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La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I)

Milo Rau

La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I)

Une nuit d'avril 2012, Ihsane Jarfi a parlé à un groupe de jeunes hommes dans une polo grise à Liège devant un bar gay. Deux semaines plus tard, il est retrouvé mort. Milo Rau reconstitue alors le cas – avec des acteurs et des amateurs – sur une scène de théâtre.

Une nuit d'avril 2012, Ihsane Jarfi a parlé à un groupe de jeunes hommes dans une polo grise au coin d'une rue de Liège devant un bar gay. Deux semaines plus tard, il est retrouvé mort à la lisière d'une forêt. Il a été torturé pendant des heures et violemment assassiné. Le crime secoue et perturbe toute la ville. Milo Rau reconstitue alors le cas – avec des acteurs et des amateurs – sur une scène de théâtre.

Dès le début, le théâtre a été une incantation des morts, une expérience rituelle de crimes primitifs et de traumatismes collectifs. Dans La Reprise, première partie de la série Histoire(s) du théâtre de Milo Rau, le metteur en scène et auteur aborde le tragique sous la forme d'une narration aux points de vue multiples d'une affaire criminelle en cinq actes. Qu'y a-t-il à l’origine d'un crime? Intention ou coïncidence? Quel rôle joue le public? Quelle est la faute du collectif? Peut-on reconstituer un crime? Et qui va-t-on mettre sur scène? Avec les quatre comédiens Sara De Bosschere, Sébastien Foucault, Johan Leysen et Tom Adjibi, ainsi que le magasinier Fabian Leenders et la gardienne Suzy Cocco, il cherche à comprendre un crime capital, en même temps que des malheurs et les émotions fondamentales de l'expérience tragique : perte et tristesse, mensonge et vérité, désastre et peur, cruauté et terreur. Six acteurs, professionnels ou amateurs, s'entremêlent dans la splendeur et les abîmes de la vie et du théâtre et se glissent dans les rôles des protagonistes d'une affaire de meurtre violente : un manifeste pour un théâtre démocratique du réel émerge.

Avec cette production, Milo Rau débute la série Histoire(s) du théâtre, une enquête performative à long terme sur la plus ancienne forme d'art de l'humanité, qui sera poursuivie dans la saison 2018/19 par le chorégraphe congolais Faustin Linyekula. Dans cette première partie, Rau et son équipe reviennent sur les problèmes fondamentaux de leur travail artistique des 15 dernières années: la question de la représentativité de la violence et des événements traumatisants sur scène. Une recherche sur la condition humaine fondamentalement tragique et un chant sur le pouvoir du théâtre.

Du 30 mai au 2 juin 2018
Durée:
env. 2h
Salle Charles Apothéloz

Théâtre
Spectacle en: fr, en, fl - surtitré: fr, en

Déconseillé aux -16 ans (scènes de violence)

Dates et horaires

Mercredi, mai 30, 2018 - 8:00pm mer 30.05 20h00
Jeudi, mai 31, 2018 - 7:00pm jeu 31.05 19h00
Vendredi, juin 1, 2018 - 8:00pm ven 01.06 20h00
Samedi, juin 2, 2018 - 5:00pm sam 02.06 17h00


Introduction: ven. 1.06, 19h


NAVETTE GRATUITE
Retour Vidy > Genève:
sam. 2.06 Réserver
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PARENT(S)/ENFANT(S)
Samedi 2 juin, 16h45 jusqu'à la fin du spectacle
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PARCOURS VIDY
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Samedi 2 juin
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Billets, horaires et infos détaillées
Milo Rau

Metteur en scène

Milo Rau

Les créations du Bernois Milo Rau, essayiste, réalisateur de cinéma et metteur en scène, sont nourries d’enquêtes sociohistoriques. Elles interrogent l’identité de l’Europe postmoderne en s’intéressant à ses mythes médiatiques rassurants et à ses responsabilités inavouées. Questionnant autant les faits historiques que leurs représentations, elles se situent à la frontière incertaine entre documentaire et fiction. Milo Rau est à la tête de l’International Institute of Political Murder (IIPM) qu’il a fondé en 2007, et dirige aujourd’hui le NTGent. À Vidy, il a présenté en 15/16 The Dark Ages et Compassion – l’histoire de la mitraillette et Empire en 16/17 puis, invité par Vidy et pour Programme Commun, Les 120 Journées de Sodome créé avec le Theater Hora et le Schauspielhaus de Zurich. Vidy accueillait en 2018, La Reprise: Histoire(s) du théâtre (1) et Orestes in Mossul en 2019 et Familie en 2021.

Du même artiste
The Dark Ages
Compassion. L'histoire de la mitraillette
Empire
Les 120 Journées de Sodome
Orestes in Mosul
Familie
Grief & Beauty
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© Michiel Devijver
© Hubert Amiel
© Hubert Amiel
© Hubert Amiel
© Hubert Amiel
© Michiel Devijver
© Michiel Devijver
© Michiel Devijver
Générique

Concept et mise en scène:
Milo Rau

Texte:
Milo Rau et les acteurs

Recherche et dramaturgie:
Eva-Marie Bertschy

Collaboration dramaturgique:
Stefan Bläske
Carmen Hornbostel 

Scénographie et costumes:
Anton Lukas

Lumières:
Jurgen Kolb

Vidéo:
Maxime Jennes
Dimitri Petrovic

Direction technique:
Jens Baudisch

Production:
Mascha Euchner-Martinez
Eva-Karen Tittman

Avec:
Tom Adjibi
Sara de Bosschere
Suzy Cocco
Sébastien Foucault
Fabian Leenders
Johan Leysen

Assistante à la mise en scène:
Carmen Hornbostel

Assistante à la dramaturgie:
François Pacco

Assistante à la scénographie:
Patty Eggerickx

Relations publiques:
Yven Augustin

Design:
Nina Wolters

Réalisation décors et costumes:
Ateliers du Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Production:
International Institute of Political Murder - Théâtre National Wallonie-Bruxelles

Coproduction:
Théâtre Vidy-Lausanne - Kunstenfestivaldesarts - Théâtre Nanterre-Amandiers - Tandem Scène Nationale Arras-Douai - Schaubühne am Lehniner Platz - Münchner Kammerspiele - Künstlerhaus Mousonturm Frankfurt a. M - Theater Chur - Gessnerallee Zürich - Romaeuropa Festival

Avec le soutien de:
Haputstadtkulturfonds - Pro Helvetia

Création mai 2018

      

Documentation
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Introduction au spectacle
Vendredi 1.06, 19h

+
Parent(s)/Enfants(s)
 

Les Parents/Enfants permettent aux petits, dès 6 ans, de participer à un atelier théâtral à Vidy pendant que leurs parents assistent à un spectacle.

Samedi 2 juin, 16h45 jusqu'à la fin du spectacle

Spectacle + Atelier et goûter
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Milo Rau: Une histoire de la violence
Entretien par Hugues Le Tanneur

"Plus nous étions confrontés à des personnes en relation avec cette affaire, plus je me posais des questions sur comment j'allais pouvoir mettre tout ça en scène. Comment on joue les: "Merde!", "Enculé!"…? Comment on joue un tueur? Comment on joue un avocat? En ce sens, et à cause de toutes ces questions, c'est aussi une pièce sur le théâtre."

Au fil de spectacles dérangeants, ce dramaturge et metteur en scène hyperactif sonde les contradictions de notre époque à partir d'enquêtes et de témoignages auxquels il donne une force emblématique. Dans La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I), il revient sur son parcours tout en s'intéressant au cas d'Ihsane Jarfi, un jeune Nord Africain assassiné à Liège en 2012. Entretien.

Il n'y a peut-être pas aujourd'hui de dramaturge aussi conscient des pouvoirs mystérieux de la représentation théâtrale que Milo Rau. Selon ce metteur en scène et dramaturge suisse, actuellement directeur du NTGent à Gand en Belgique, le théâtre fut dès son origine "une incantation des morts, une expérience rituelle de crimes primitifs et de traumatismes collectifs". Né en 1977 à Berne, Milo Rau aurait pu être journaliste ou essayiste. Il a d'ailleurs publié Critic of the Postmodern Reason en 2013. Mais si le théâtre - et dans une moindre mesure le cinéma - est devenu le mode d'expression privilégié de cet ancien élève de Pierre Bourdieu, c'est en grande partie par sa capacité de mettre en situation la complexité du présent. Le travail mené depuis plusieurs années par Milo Rau au fil de spectacles ou d'interventions comme Les derniers jours d'Elena et Nicolas Ceausescu, Hate Radio, Le Tribunal du Congo, The Civil Wars ou encore Five Easy Pieces d'après l'affaire Dutroux, relève d'un théâtre documentaire en prise directe sur des situations réelles. En même temps il dépasse la dimension documentaire pour proposer quelque chose comme une anthropologie du présent. La Reprise : Histoire(s) du théâtre (I), sa prochaine création s'inscrit à son tour dans cette démarche à travers l'évocation du meurtre d'Ihsane Jarfi en 2012 à Liège. C'est aussi l'occasion pour Milo Rau de revenir sur son parcours.

Contrairement à ce que son titre pourrait laisser entendre La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I) est construit autour d'un crime, le meurtre d'Ihsane Jarfi à Liège en 2012. En quoi ce fait-divers renvoie-t-il à l'histoire du théâtre?
Milo Rau: Pendant qu'on réfléchissait à cette pièce, on est tombés un peu par hasard sur un cas criminologique, le "cas Jarfi". Ihsane Jarfi est un jeune homme qui a été torturé et tué très violemment en 2012 par quatre personnes. Il se trouve que l'avocat d'un des tueurs est quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé. C'est un des co-fondateurs du Tribunal de la Haye et il a participé au Tribunal sur le Congo. Il a aussi travaillé avec nous sur Hate Radio. Sachant que ce crime a eu lieu à Liège, j'ai décidé que nous irions tous sur place pour faire des recherches et rencontrer des personnes en relation avec cette affaire. Après quoi je me suis demandé: mais comment pouvons-nous reconstituer ce cas sur une scène de théâtre? Ihsane Jarfi a été maltraité pendant plusieurs heures par les quatre tueurs sans aucune raison. Il ne leur avait rien fait, il sortait seulement d'un bar gay. Il se trouve par ailleurs que ces tueurs étaient tous les quatre au chômage. C'est extrêmement brutal. Or plus nous étions confrontés à des personnes en relation avec cette affaire, plus je me posais des questions sur comment j'allais pouvoir mettre tout ça en scène. Comment on joue les: "Merde!", "Enculé!"…? Comment on joue un tueur? Comment on joue un avocat? En ce sens, et à cause de toutes ces questions, c'est aussi une pièce sur le théâtre.

Il est vrai que la première impression quand on se réfère simplement au titre du spectacle sans plus d'informations, c'est que, dans ce projet, vous vous proposiez de revenir sur votre parcours de dramaturge et de metteur en scène et de vous livrer à ce sujet à une réflexion en complicité avec les acteurs. Ce serait donc une fausse piste?
Milo Rau: Non pas forcément, parce que c'est aussi ça qui est abordé dans cette pièce. D'abord c'est lié à l'idée que je défends d'un théâtre démocratique, c'est-à-dire n'impliquant pas seulement les comédiens, mais aussi d'autres membres de l'équipe que, cette fois, on va voir aussi sur scène où normalement ils ne sont pas censés apparaître. Le choix des acteurs - Sarah de Bosschere, Sébastien Foucault et Johan Leysen - a été particulièrement important ici par rapport à mon parcours. Ensemble nous nous sommes posé un certain nombre de questions. Pourquoi est-ce qu'on fait ça? Comment on le fait? Dans quel but? En partant de ces questions et en commençant à réfléchir sur mon parcours depuis une quinzaine d'années, j'ai compris que pour ne pas tomber dans le piège de l'autobiographie, j'avais besoin de m'appuyer sur quelque chose d'autre, quelque chose qui soit objectif.

On retrouve là une préoccupation importante de votre théâtre qui consiste toujours à se situer quelque part entre l'histoire personnelle et une dimension plus objective. Entre grande histoire et petite histoire si l'on veut. Autrement dit, au croisement de différents types de récits, dans une position au fond assez inconfortable pour les comédiens. Notamment du fait que dans certains de vos spectacles précédents avec ces acteurs, vous étiez partis de leurs histoires personnelles. Comment cela va se passer cette fois?
Milo Rau: Oui dans certaines pièces que j'ai faites avec eux ils racontaient leur propre histoire. Mais pas toujours, Sébastien Foucault a aussi joué dans Hate Radio et Sarah de Bosschere et Johan Leysen dans Five Easy Pieces. Mais effectivement la première fois qu'on a vraiment travaillé ensemble chacun racontait sa propre histoire. Ce qui est très bien parce que du coup nos propres histoires sont dites désormais. Aussi la question qui se pose pour cette nouvelle pièce, c'est : comment jouer un autre ? Autrement dit, quelle est ma légitimité à le faire? De quel droit? Sébastien Foucault m'a envoyé un long mail sur cette question de la légitimité où il s'interroge: Comment peut-on jouer une autre personne quand il s'agit d'une personne réelle? Comment on fait ça? Et pourquoi? Trouver la motivation est simple puisqu'on est acteur. Mais quelle est la légitimité de le faire? Cela pose la question de pourquoi on entre en scène et de "qui" entre en scène. Cette question est cœur du spectacle. Avec aussi cette autre question, qui est la plus importante dans toutes mes pièces: comment représenter la violence?

Cette question est en effet au cœur de votre démarche d'homme de théâtre, au point qu'on pourrait presque reprendre pour l'ensemble de votre œuvre le titre bien connu d'un film de David Cronenberg: "une histoire de la violence". Est-ce que vous pourriez caractériser l'ensemble de votre théâtre comme une enquête sur la violence?
Milo Rau : Oui j'ai toujours travaillé autour de ça. Même si, dans mon traitement du théâtre, j'ai toujours opté pour une forme d'illusionnisme éclairé. Il y a quelque chose que je veux montrer, mais que je veux aussi expliquer. Or je ne veux pas me décider entre les deux. Je ne veux pas que cela relève de la performance. Mais je ne veux pas non plus que ce soit du théâtre. Alors je cherche quelque chose entre les deux. Sachant évidemment que la question de la violence - violence physique, mais pas seulement - est au cœur de tous les débats sur la Live Performance depuis cinquante ans. Quelle est la part du rituel et quelle la part du réel?

Cependant est-ce que, comparé à des créations comme Hate Radio, Civil Wars ou Empire, pour prendre quelques exemples, vous n'avez pas fait le choix d'une forme plus classique pour La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I)?
Milo Rau: J'ai réalisé environ cinquante pièces au cours de ma carrière et la dernière que j'ai montée à la Schaubuhne à Berlin, Lenine, est une pièce avec quatorze acteurs qui raconte un jour dans la vie de Lénine. Les comédiens y interprètent des figures historiques. Et en ce qui concerne la question de l'authenticité, quoi ou qui on incarne, c'est extrêmement classique. On a affaire à des professionnels qui jouent des figures historiques, qui disent un texte que j'ai écris auparavant, etc.. Je crois d'ailleurs que si un acteur joue sa propre vie dans des cas extrêmes comme Empire ou Civil Wars, c'est autant une allégorie que dans une situation plus "classique". Parce, même dans ces conditions, il joue un rôle, il assume une troisième personne, même si celle-ci n'est autre que son propre personnage. Ce qui est sans doute plus difficile que d'interpréter simplement un personnage. Parce que ça pose la question de qui on est quand on parle de soi-même sur une scène de théâtre ; de soi-même comme d'un autre, avec son propre texte, ses propres mots. Qui est-on à ce moment-là ? Cette question est au cœur de toutes mes pièces ; elle est très importante, mais très fluide aussi. Dans Empire et dans Civil Wars, on a eu beaucoup de débats à ce sujet avec les acteurs. Mais même dans un spectacle plus classique comme Lenine, j'utilise la réalité de l'acteur en relation avec le rôle qui lui est attribué. Je peux demander par exemple à un comédien de jouer Trotsky parce que je sais qu'il est de Vienne. Or c'est une ville où Trotsky a beaucoup vécu. Du coup cela peut avoir son importance. Ou encore si je demande à Ursina Lardi, qui a joué dans Compassion. Une histoire de la mitraillette, d'interpréter Lénine, qu'est-ce que ça veut dire? Pourquoi une femme blonde soudain dans la peau de Lénine? Dans tous les cas il y a une tension qui se produit et c'est ça qui pour moi est important. C'est la même chose quand je demande à Sara de Bosschere de jouer la copine du meurtrier. Parce que Sarah n'aime pas incarner des personnages, elle a une conception très flamande, post-moderne du jeu. Alors qu'est-ce qui se passe dans ce cas? Ce genre de confrontation m'intéresse beaucoup.

Le principe dans vos spectacles est toujours de partir d'une enquête préliminaire, de collecter des faits. Mais, en ce qui concerne La Reprise: Histoire(s) du théâtre(I), il semble que vous alliez plus loin en parlant d' "enquête performative". Qu'entendez-vous par là?
Milo Rau: On peut faire une vraie enquête journalistique. Ça va consister à chercher des témoignages et à tenter à partir de là de reconstituer une vraie histoire. Par exemple: que s'est-il exactement passé dans la nuit du tant de tel mois? En revanche dans le cadre d'une enquête performative, on va utiliser les outils du théâtre. C'est-à-dire on va jouer un personnage, être dans l'espace du plateau, s'immerger dans le cercle d'émotions au sens distancié, utiliser la technologie de la représentation, le brouillard, la lumière, etc.. On va aussi réfléchir sur le rôle des outils, de la caméra, du son… Comment l'acteur qui parle est à la fois lui-même et l'autre. C'est toujours comme ça que je procède. Mais ce qui est important ici c'est qu'il ne s'agit pas d'une investigation morale. L'idée du crime n'est pas absolument centrale, l'idée de la réalité non plus. Ce qui compte c'est la mise en perspective, trouver comment présenter les différentes figures qui ont joué un rôle dans cette affaire. Il y a ce qui s'est passé après. Et ce qui s'est passé avant. À partir de là, on va essayer de comprendre quelque chose sur la violence.

Comment s'est faite l'enquête pour ce nouveau spectacle?
Milo Rau: Le principe est que normalement je m'efforce de faire ce travail ensemble avec les acteurs et même avec tous ceux qui sont impliqués dans le projet. Donc nous avons rencontré des proches de la victime, son père, sa mère. Nous avons été à la prison où se trouve un des tueurs. Nous avons aussi vu les avocats, le complice d'un des tueurs et bien d'autres personnes. Liège est une ville où le taux de chômage est très élevé. On peut aussi considérer cette affaire comme un drame du chômage. Les tueurs viennent tous du même quartier. C'est là que les frères Dardenne ont tourné beaucoup de leurs films. Donc on voit tous ces gens. On écoute ce qu'ils ont à dire. Après on va peut-être utiliser les propos qu'on a recueillis. J'essaie de multiplier les rencontres pour avoir plusieurs points de vue. Après quoi on fait des improvisations parlées pour lentement construire un matériau qui deviendra la pièce. On travaille sur toutes ces choses qu'on a traversées, auxquelles on a été confrontées et on construit.

Cela ne doit pas être facile pour les acteurs d'être confrontés à une telle réalité. D'un côté ça doit stimuler, donner des idées, mais d'un autre côté cela peut aussi s'avérer envahissant ou perturbant…
Milo Rau: Parfois c'est difficile. C'est même un peu absurde. On rencontre une personne qui nous raconte quelque chose d'affreux et puis on lui dit "au revoir". Et ensuite on commence à travailler. C'est d'autant plus difficile pour les comédiens qu'ils sont habitués à construire à partir d'un texte. Leur formation et leur expérience développées au cours de longues années consiste à transmettre un texte sur scène. Là ça n'a rien à voir. On part du vide de la scène, de la tabula rasa. La peur du néant est la règle du jeu. Or c'est quoi la scène vide ? C'est rien. Dans le vrai théâtre, il n'y a pas de Shakespeare, pas de Molière, il n'y a rien. Il y a juste l'acteur qui apparaît et le public qui le voit et quelque chose, on ne sait pas quoi, doit se passer dans cette rencontre. C'est pour ça que je pense que pour La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I) on doit aller vers ce degré zéro et se confronter à sa peur. Dans une interview Johan Leysen a dit que ce qui l'intéressait dans le fait de travailler avec moi, c'était cette confrontation avec le vide. "Avec Milo, tu arrives à la première journée de répétitions et tu n'as vraiment aucune idée de ce qui va se passer. Il n'y a aucune information." Donc avec cette affaire de meurtre sur un jeune Nord Africain ce qui m'a intéressé, c'était l'absurdité de ce crime, la violence, l'obscurité, la confrontation physique. Toutes ces choses à la fois si humaines et en même temps inexplicables.

Vous vous référez à des cinéastes comme Ken Loach ou les frères Dardenne dont la démarche s'inscrit en particulier pour le premier dans ce qu'on a appelé en Grande Bretagne l'Ecole du documentaire. Considérez-vous que ce que vous faites est du théâtre documentaire?
Milo Rau: Oui, c'est vrai en un sens. Mais seulement si on veut dire par là que ce n'est pas un théâtre basé sur un texte classique. De même qu'on peut dire que dans ses films Ken Loach invente des personnages, tout n'est pas basé sur un script préétabli. Et cependant il en tire quelque chose qui renvoie à la réalité dans laquelle on vit. Je crois que c'est ça que j'essaie de faire. Dans le cas de La Reprise: Histoire(s) du théâtre (I), c'est quelque chose qui a à voir avec le réalisme social comme format. La représentation de la misère sociale chez les frères Dardenne ou chez Ken Loach correspond à une forme de cinéma engagé. Je me suis demandé pourquoi cette façon de faire du cinéma n'existait plus aujourd'hui en-dehors de ces réalisateurs déjà très âgés. Pourquoi aujourd'hui on ne raconte plus la réalité de cette façon? C'est une question qui est aussi abordée dans le spectacle. Je me demande s'il y a encore un naturalisme dans le théâtre? Comment peut-on parler d'un chômeur ou d'une mère, par exemple? Au fond je pense que le théâtre documentaire à proprement parler n'existe pas. Parce que c'est une contradiction dans les termes. Le théâtre est toujours totalement fictif. En revanche il m'est arrivé de tourner des films qui pour le coup sont réellement du documentaire. Le Tribunal sur le Congo commence, par exemple, avec un massacre auquel j'ai assisté un peu par hasard et que nous avons pu filmer. Mais au théâtre, c'est différent parce qu'il s'agit de reproduire. Dans le théâtre il y a un professionnalisme qui est toujours très supérieur à celui du cinéma parce que les acteurs doivent répéter la même chose à chaque nouvelle représentation. Le problème de mon théâtre, c'est d'aller au-delà de ce professionnalisme pour qu'à chaque représentation, le réel puisse jaillir de nouveau. Il faut chaque soir provoquer la nécessité, la proximité du réel encadré par l'artificiel absolu. Le paradoxe du théâtre, c'est que c'est le fictif absolu dans le réel total. On est totalement présent à chaque moment.

En réfléchissant à votre parcours d'homme de théâtre, à la fois auteur, metteur en scène et même spectateur, que pensez-vous avoir appris de cette expérience?
Milo Rau: Difficile à dire. C'est une vraie question que je pourrais mettre dans la pièce. Je crois qu'avec le temps, je m'intéresse de plus en plus aux personnes en elles-mêmes, alors qu'il y a quinze j'avais plutôt tendance à utiliser les acteurs pour raconter quelque chose que j'avais préparé en amont. Plus je travaille dans le théâtre, plus je suis intéressé par le fait d'impliquer tout le groupe, par ce mouvement de groupe. C'est peut-être lié à une plus grande liberté, une maîtrise dans ma démarche que je n'avais pas avant. Avant j'avais toujours peur que tout déraille et, à la fin, ça donnait quand même un spectacle. Cette peur est toujours là, mais c'est quelque chose à quoi je suis habitué maintenant.

Quand on parle d'histoire du théâtre, on est obligé de se positionner par rapport aux origines et notamment au théâtre grec. Il y a quelque chose dans vos créations qui s'inscrit nettement dans une volonté de situer le théâtre au cœur de la cité, de confronter le public à la violence du monde, à l'opacité de cette violence qui évoque par certains côtés le théâtre grec.
Milo Rau: Oui il y a cette idée de la collectivité. Et c'est là encore quelque chose qui nous renvoie aussi au cinéma engagé des frères Dardenne ou de Ken Loach. Le fait que nous faisons tous partie de la même humanité. Alors Ihsane Jarfi, ses meurtriers, c'est aussi nous-mêmes. Mais il y a cette différence importante. Dans le théâtre antique, la dimension d'information, de documentaire, de nouveauté est absente. L'histoire qui y est jouée est toujours connue d'avance. Il s'agit de suivre un héros dans sa tragédie, dans une histoire qui est déjà écrite et qu'on doit revivre ensemble. À quoi s'ajoute cette autre notion antique que tout ce qui se passe a lieu sous le regard des dieux. Ainsi il y a un sens à tout ce qui se passe. Mais nous comment on fait pour retrouver ça aujourd'hui? Qu'est-ce qu'on fait, nous, de ce regard? Où est la transcendance derrière la misère humaine? Il y a là une métaphore importante du théâtre contemporain. Or dans certains films des frères Dardenne, il y a comme une transcendance à la fin, même si elle est mélancolique. Pour moi c'est très important à chaque fois de se dire : on va montrer une allégorie pour qu'on comprenne pourquoi tout ça se passe. Cela semble peut-être un peu romantique, mais c'est quelque chose que je m'efforce toujours de chercher.

Hugues Le Tanneur - AND#11, journal du TANDEM Scène nationale

La presse en parle
La Reprise - 24 Heures
25 mai 2018
 

""La Reprise" ou Milo Rau de retour sur le lieu du crime"

 

Théâtre Vidy-Lausanne

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Avenue Gustave Doret

CH-1007 Lausanne

Billetterie +41 21 619 45 45

Administration +41 21 619 45 44

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