Le collectif théâtral colombien Mapa Teatro enquête sur un peuple qui aurait vécu dans l’isolement complet dans la forêt amazonienne il y a deux cents ans.
Le collectif théâtral colombien Mapa Teatro enquête sur un peuple qui aurait vécu dans l’isolement complet dans la forêt amazonienne il y a deux cents ans.
Rassemblant des indices documentaires et poétiques hétérogènes, leur théâtre donne peu à peu forme à ce qui devient l’acte de résistance de cette tribu. Comme pour celle-ci, la quête de sens des artistes renonce à l’exploitation productive pour lui préférer la rêverie et l’alliance avec la nature.
Conquérants impériaux, les Européens hissent le drapeau de la science pour arpenter tous les coins du monde. Expéditions. Expansions. Ethnologies. Les habitant·e·s du monde sont identifié·e·s, classé·e·s, catalogué·e·s en même temps que les ressources disponibles. L'homme blanc soumet la planète, s'approprie et exploite tout ce qu’il trouve. Écologie. Économie. Écotraumatisme. Bientôt le monde ne suffit plus. En 1969, Apollo 12 commence son vol, la lune devient un territoire conquis, une propriété, une colonie. Mais la lune est en Amazonie.
À la fin de La Despedida, leur dernier spectacle créé à Vidy en 2017, le Mapa Teatro faisait dialoguer Karl Marx, Che Guevara et un chaman en pleine forêt vierge sur la fin d’une ère économique et l’attente d’un autre temps. D’où pourrait renaître le monde? Pourrait-il exister sans ses mines d’or, symbole des rêves démesurés de richesse et d’exploitation, ces mines qui détruisent justement la forêt qui accueillait le rêve éveillé de Marx et du chaman?
Le Mapa Teatro a depuis redécouvert l’existence possible d'un peuple indigène volontairement caché dans la forêt amazonienne. Il recueille des témoignages de chamans, d’orpailleurs ou de chasseurs, puis celui d’un pilleur de tombes qui a connu cette tribu et qui est devenu orfèvre. Ils relisent le reportage qu’un journaliste français consacra à cette communauté et qui parut dans France Soir la veille du premier pas sur la lune.
Le "réalisme magique" du théâtre poético-documentaire du Mapa Teatro assume des rapprochements inattendus pour explorer une manière moins européocentrée, peut-être moins efficace ou logique mais sans doute plus respectueuse, de se mettre à l’écoute de ce qui nous entoure, nous échappe et nous nourrit: la face cachée de la vie.
Mercredi, novembre 10, 2021 - 8:00pm | mer 10.11 | 20h00 |
Saison 21/22
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Jeudi, novembre 11, 2021 - 8:00pm | jeu 11.11 | 20h00 |
Saison 21/22
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Vendredi, novembre 12, 2021 - 8:00pm | ven 12.11 | 20h00 |
Saison 21/22
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Samedi, novembre 13, 2021 - 5:00pm | sam 13.11 | 17h00 |
Saison 21/22
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LALU
Metteur·euse en scène
La double origine, suisse et colombienne, d’Heidi et Rolf Abderhalden n’est sans doute pas étrangère au fait qu’il·elle considèrent le théâtre comme un territoire vivant, aux frontières poreuses, où se croisent tout autant les cultures, les communautés que les disciplines artistiques. Le regard de la sœur et celui du frère se conjuguent au sein du Mapa Teatro, compagnie fondée en 1985 à Paris, puis implantée à Bogota. À partir d’un dialogue constant et de l’influence de l’un·e sur l’autre, il·elle créent un langage commun, ouvert sur l’altérité. Résolument transdisciplinaires, leurs créations empruntent des formes diverses – interventions urbaines, installations visuelles. La Despedida (présenté à Vidy en 2017, dans le cadre du festival ¿Que tal Bogota?) était le troisième volet de la trilogie Anatomía de la violencia en Colombia.
Conception et mise en scène
Heidi Abderhalden
Rolf Abderhalden
Texte
Heidi Abderhalden
Rolf Abderhalden
Musique et son
Juan Ernesto Díaz
Vidéo
Heidi Abderhalden
Rolf Abderhalden
Fausto Díaz
Javier Hernández
Mónica Torregrosa
Ximena Vargas
Lumière
Jean François Dubois
Costumes
Elizabeth Abderhalden
Avec
Heidi Abderhalden
Rolf Abderhalden
Agnes Brekke
Andrés Castañeda
Julián Díaz
Jorge Alirio Melo
Jose Ignacio Rincón
Ximena Vargas
Alexander Rodriguez
Invités Spéciaux
Daniel Giménez Cacho
Jorge Alirio Melo
Santiago Sepulveda
Joe Weerasethakul
Production
Mapa Teatro
Ximena Vargas
José Ignacio Rincón
Production déléguée France
Le phénix scène nationale Pôle européen de création à Valenciennes
Coproduction
Théâtre de la Ville-Paris Festival d'Automne à Paris - Culturescapes - Biennale de Berlin - Ruhrtriennale Mousonturm - Le phénix scène nationale avec Next Festival
Avec le soutien de
Naves Matadero Madrid Iberescena - Ministère de la Culture de Colombie Foundation for Arts initiatives Ffai
Le Théâtre Vidy-Lausanne présente La Lune est en Amazonie en coproduction avec CULTURESCAPES 2021 Amazonas
Rencontre avec l'équipe artistique
Jeudi 11.11
à l'issue de la représentation
Cette fois encore, Mapa Teatro part d'un événement réel et rassemble archives et textes fictionnels, matériaux visuels, témoignages, anecdotes, création sonore électro et musique live pour créer une ethno-fiction futuriste, où se mêlent histoire, actualité, faits scientifiques et récits décalés.
Fin du XIXe siècle: face aux intrusions violentes des colons et trafiquants en tous genres sur leurs terres, une communauté indigène prend la décision de se couper du monde. En acte de résistance à la barbarie qui menace leur survie physique et culturelle, ils se retirent dans la forêt amazonienne colombienne, et disparaissent des registres officiels espagnols ou portugais.
18 janvier 1969: deux chercheurs d'or et marchands découvrent une tribu autochtone méconnue, à des centaines de kilomètres du fleuve Puré. Effrayé, l’un d’eux s'enfuit et alerte les autorités. Sans nouvelles du premier, ces dernières lancent au bout de plusieurs semaines une expédition de recherche durant laquelle plusieurs aborigènes seront tués, et un petit groupe capturé. Conduits dans la ville colombienne de Leticia, ils sont interrogés sans succès, aucun linguiste ni interprète ne parvenant à déchiffrer leur langue. L’orpailleur restera introuvable. Six mois plus tard, France Soir décide d'envoyer un journaliste pour couvrir les répercussions mondiales de la découverte de ces "anthropophages" encore à "l'âge de pierre", comme les décrira le New-York Times. Le reporter français Ives-Guy Bergès débarque donc en Amazonie colombienne, où il tente de créer un contact avec les indigènes détenus à l'aide de chansons de Frank Sinatra (Strangers in the Night...) et de toute sorte d'objets comme des rasoirs ou appareils photos. Voulant être le premier à publier des images de la tribu dans son environnement naturel, il convainc les autorités de les relâcher au nom des droits de l'homme et de leur santé, certains ayant contracté la grippe au contact des blancs. Après plusieurs jours de marche durant lesquels ils ne croisent que des indigènes isolés, le journaliste comprend qu'il ne réalisera pas le spectaculaire reportage qu'il imaginait. Il écrira: "en si peu de jours, on ne peut pas surmonter cinq siècles d'hostilité et de massacres", et se contente d’un article publié le 18 juillet 1969.
19 juillet 1969: Neil Armstrong marche pour la première fois sur la lune. L’article de Ives-Guy Bergès est occulté par cet exploit. Quelques mois plus tard, le chercheur suisso-colombien Roberto Franco publiera un rapport détaillé́ sur l'histoire de ce peuple encore aujourd'hui invisible, qui résiste toujours aux menaces des narcotrafiquants, orpailleurs, multinationales pétrolières, trafiquants de bois ou missionnaires, entre autres.
2019: alors que les violences environnementales et la bio-colonisation menacent plus que jamais la vie des personnes et de la planète; que les représentants des communautés indigènes ou des associations de défense de l'environnement sont régulièrement assassinés en Colombie et en Amérique Latine, ou que les multinationales s'approprient leurs ressources naturelles au moyen d’occupations physiques ou de brevets commerciaux, le Pape François annonce un synode extraordinaire sur le thème de l'Amazonie, afin de rompre avec "l'eurocentrisme de l'Église et de trouver des moyens plus inculturés de présenter l'Évangile aux aborigènes".
Avec La Lune est en Amazonie – et dans la continuité de leur cycle Anatomie de la violence en Colombie (2010-2017), qui dépliait trois facettes de la tension entre fête et acteurs armés du conflit colombien – Heidi et Rolf Abderhalden construisent une forme de résistance poétique à cette nouvelle forme de violence idéologique et écologique globalisée, et interrogent: sont-elles les signes d’une nouvelle colonisation?