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Ntando Cele

Wasted land

Une performance musicale et chantée, aussi rageuse que fantasque, emmenée par l'artiste sud-africaine installée à Berne Ntando Cele, éclatante performeuse à l'énergie aussi vive qu'ironique. Dans un horizon de fin du monde, elle confronte avec éclat les désastres humains de la fast-fashion et l'écologie feel-good occidentale rassurée par les labels bio et les réconfortantes promesses de recyclage. Quand le rêve durable des un·e·s fait le désastre des autres… Avec le compositeur égyptien Wael Sami Elkholy et trois remarquables chanteuses performeuses, Wasted Land est un plaidoyer déjanté et libérateur pour une écologie décoloniale.

© Claudia Ndebele

Salle 96, René Gonzalez

Du 16 au 17 mai 2025

Durée: 65 min

  • Accès PMR

  • Boucle magnétique

Infos pratiques

Texte de présentation

par la compagnie

Wasted Land rapproche les idéologies écologistes de la durabilité en Europe occidentale et les injustices sociales persistantes ailleurs dans le monde à travers la fast fashion, vue comme l'une des nombreuses expressions du néocolonialisme. La fast fashion relie l’Occident qui consomme selon des critères de good life, cocooning et autres certifications de non-toxicité, aux pays en développement qui produisent à bas coûts et accumule en retour la déchetterie mondialisée.

Wasted Land convoque le théâtre, l'humour noir, la composition chorale et de vidéo inspirée de l'écologie queer pour mettre en lumière la relation complexe entre les humains et leurs déchets. La performance musicale et chantée s’inspire du poème Waste Land de T.S. Elliot (1923) et de recherches sociologiques et scientifiques contemporaines sur le colonialisme des déchets. Elle orchestre un paysage mélodique qui oscille entre la performance théâtrale, la projection vidéo et le concert poétique.

Ntando Cele, en tant que metteuse en scène et interprète, a souvent mobilisé le théâtre, la musique et la pop culture pour exposer les formes latentes de racisme et de stéréotypes. Aujourd’hui, elle compose Wasted Land comme une satire post-apocalyptique sur la fatalité climatique en s'appuvant sur des lamentatio décoloniaux et des chants de protestation réinterprétés avec le musicien et compositeur égyptien Wael Sami Elkholy et trois chanteuses.

Contexte : Colonialisme des déchets

"Nous ne pouvons pas nous adapter à la famine. Nous ne pouvons pas nous adapter à l'extinction. Nous ne pouvons pas manger de charbon. Nous ne pouvons pas boire de pétrole.
Nous n'abandonnerons pas".

Vanessa Nakate, militante écologiste ougandaise pour le climat, COP26

Les approches de la lutte contre le changement climatique sont encore principalement élaborées et perçues du point de vue du monde occidental, bien que l'on prétende qu'il s'agisse d'un problème international. Les modèles économiques mondiaux qui ont rendu le monde occidental incroyablement riche sont accompagnés par des maximes idéologiques assurant chercher à « sauver notre monde », forme de néocolonialisme qui ne dit pas son nom.

Les absurdités de cette approche schizophrénique de solutions aux problèmes mondiaux sont bien illustrées par l'industrie de la mode, en particulier la fast fashion, qui, selon les chiffres de l'ONU, est responsable de 10% des émissions mondiales de CO2, de 20% des eaux usées toxiques et de 9% des microplastiques dans les océans. Les grandes entreprises qui vendent de la fast fashion dans le monde occidental pratiquent l'« écoblanchiment » en encourageant par exemple leurs clients à renvoyer les vêtements usagés dans les magasins en échange de bons d'achat.

Issus de ces échanges, des montagnes de vêtements sont partiellement incinérées et empilées dans d'immenses paysages où plus rien ne pousse au Chili, au Ghana, au Kenya, en Indonésie, et parmi de nombreux autres pays. Les microplastiques issus des fibres synthétiques et mixtes finissent dans les océans, où ils endommagent radicalement l'écosystème.

L'écoblanchiment

Ainsi, alors qu'en Europe, les consommateur·rice·s se sentent bien lorsqu'ils récupèrent et rapportent leurs vêtements, dans les pays pauvres, des pans entiers de terre sont dévastés, les habitats et l'environnement détruits. Wasted Land établit un lien entre le changement climatique (production de déchets) et l'oppression (colonialisme), car ces questions sont souvent considérées comme aussi déconnectées qu’insolubles. La performance est profondément sceptique quant à la possibilité d'un changement fondamental ou d'une restructuration de la société, étant donné les structures de pouvoir enracinées qui maintiennent le statu quo du système hypercapitaliste de l'industrie de la mode.

Pouvons-nous imaginer un monde dans lequel les sociétés seraient solidaires devant l'injustice et l'oppression de tous les humains, des non-humains et de la Terre ?

"Wasted Land établit un lien entre le changement climatique (production de déchets) et l'oppression (colonialisme), car ces questions sont souvent considérées comme aussi déconnectées qu’insolubles."

Puisque nous vivons dans un monde fortement racialisé, il est inutile de continuer à plaider pour des solutions telles que l'aide au développement et la diversité forcée, car ces changements ne profiteront jamais qu’à la marge aux personnes qu'ils sont censés aider. Que signifierait la véritable démolition des structures coloniales ? Qu'est-ce que la justice climatique hors du recyclage, du véganisme religieux ou des écolabels à peine vérifiables ?

Désespoir contre désir

« Le désir, oui, rend compte de la perte et du désespoir, mais aussi de l'espoir, des visions, de la sagesse des vies vécues et des communautés.
Le désir est lié à ce qui n'est pas encore et, parfois, à ce qui n'est plus. »

Eve Tuck, chercheuse aléoute, études autochtones et pédagogique

Si l'on s'en tient au seul pronostic scientifique, il n'y aurait pas beaucoup d'espoir. C'est pourquoi le changement climatique ne doit pas être envisagé uniquement sous l'angle de la science. La vision scientifique et économique du monde fait sans doute partie du problème car elle crée des injustices dans d’autres communautés. A l’inverse, les peuples indigènes ont toujours vécu dans des écosystèmes complexes et ont su apporter des réponses nuancées dans leurs relations à leur environnement.

Par la performance, l’humour, ou le chant, Wasted Land tente d’exposer les conséquences du changement climatique en incluant les voix et les idées des membres des communautés qui en souffrent le plus, au lieu de regarder ces communautés à travers le prisme du dénuement et du désespoir.

La musique, la poésie, la fantaisie, la célébration et le son de Wasted Land retissent des liens perdus et cherchent un accès émotionnel direct à des entités abstraites telles que « l'environnement », « la nature » ou « la planète ».

L'art peut être un moyen de désaliéner la relation de chacun·e avec ce qui l’entoure. Le théâtre peut être un outil pour créer une vision qui s’écarte des stéréotypes unidimensionnels pour partager des manières d’être remplies de contradictions humaines, de désirs, de sagesse et de besoin d'appartenance.

PARTENAIRES

Autour du spectacle

Parcours de spectacles

Tempo forte

Du mercredi 14 au dimanche 25 mai

Théâtre de Vidy