Sur le plan géologique, Taïwan fait partie de la Ceinture de feu du Pacifique, une zone sismique particulièrement active qui longe la rive ouest du Pacifique. Non loin de Taipei, la plaque de la mer des Philippines se déplace vers le nord-ouest de 7 cm par an en moyenne glissant sous la plaque eurasienne, sur laquelle se trouve également le continent chinois. C’est pourquoi ce territoire est régulièrement frappé par des tremblements de terre et quelques éruptions volcaniques occasionnelles.

Cette description géologique de Taïwan se lit comme une métaphore de la quête d’indépendance du pays, car son histoire est également marquée par des frictions entre grands blocs de pouvoir et par des éruptions.

En 1945, Taïwan est un des membres fondateurs des Nations Unies et même un membre à part entière du Conseil de sécurité – en tant que « République de Chine ». Mais Nixon normalise les relations entre les États-Unis et la Chine continentale en 1971 – et Taïwan est contraint de quitter l’ONU. Depuis lors, Taïwan se bat pour obtenir une reconnaissance diplomatique. Seules seize de ses représentations diplomatiques ont le statut d’ambassade. L’État insulaire est également exclu d’organisations telles que l’OMS ou l’UNESCO. Et les athlètes du pays courent sous le drapeau du « Taipei chinois ». À maintes reprises, la Chine a clairement indiqué qu’elle ne souhaitait pas que les pays et les entreprises considèrent Taïwan comme un pays indépendant, ni même qu’ils le représentent comme tel sur une carte. Et bien que Taïwan ait de nombreux amis internationaux et partenaires commerciaux, personne ne peut être totalement indépendant du plus grand pays du monde. Par conséquent : Taïwan n’est que le représentant le plus visible d’un dilemme mondial.

Sur le plan économique, le pays est leader dans la production de semi-conducteurs. Avec une part de marché de 55%, la société taïwanaise TSMC en est le premier acteur mondial. Les puces taïwanaises ont des nœuds de moins sept nanomètres, ce qui est estimé à l’équivalent de quatre ans d’avance sur la concurrence chinoise. Or que sont les semi- conducteurs ? Ce sont des matériaux dont la conductivité électrique est intermédiaire entre celle des métaux et celle des isolants, ce qui les rend paradoxalement indispensables à l’ingénierie électronique. Être ni tout-à-fait l’un ni tout-à-fait l’autre – une qualité classique de la diplomatie.

Le théâtre est un lieu de représentation, et en tant que tel, il peut être considéré comme une forme de diplomatie. Au théâtre, nous nous identifions et nous compatissons avec les protagonistes qui défendent quelque chose de plus grand qu’eux. Le théâtre documentaire, en particulier, invite sur scène des personnes qui défendent leur propre vie et leur expertise. Ils·elles deviennent des ambassadeur·rice·s subjectif·ve·s de leur propre situation. Mais – contrairement à une ambassade ou à un monument – le théâtre est un média versatile. Il invite à expérimenter des formes éphémères et expérimentales de représentation. Au théâtre, nous sommes habitué·e·s à imaginer des fictions, à faire « comme si ». Des protocoles sont négociés lors des répétitions et des conventions sont temporairement établies entre le public et les protagonistes sur scène.

Comment imagineriez-vous une représentation de Taïwan sur une scène ? Qui pourrait représenter cette île qui rapproche populations indigènes et industrie de pointe, Chinois·e·s, Japonais·e·s et héritage propre ? Le fait de représenter les représentations d’un pays pourrait-il aboutir à un portrait de la diplomatie en tant que telle ? Et qu’est-ce que cela signifierait de voyager à l’étranger avec une représentation nationale ainsi produite ? Peut- il y avoir quelque chose comme une diplomatie culturelle pour un pays aux mains liées ?