En faisant du peintre belge Michaël Borremans une source d'inspiration centrale de Speechless Voices, Cindy Van Acker vient inscrire ses six danseurs dans une réalité narrative nouvelle.
En faisant du peintre belge Michaël Borremans une source d'inspiration centrale de Speechless Voices, Cindy Van Acker vient inscrire ses six danseurs dans une réalité narrative nouvelle.
Les qualités habituelles de son mouvement - lenteur, géométrie et abstraction - se laissent ici traverser par du figural, des images lisibles, des stases expressives. C'est une communauté humaine qui fait tableau, qui cherche par le corps à ritualiser l'absence et la présence, la solitude et la relation, afin de les transmuter. Les déploiements machiniques, végétaux ou animaux qui vitalisent la plupart des pièces de la chorégraphe rencontrent ainsi des énergies plus clairement anthropocentrées.
Peut-être parce que la pièce est un poème chorégraphique composé en hommage à Mika Vainio, compositeur de musique électronique avec qui Cindy Van Acker a souvent collaboré, disparu il y a tout juste un an. "Nous avions une communication intuitive, intense, souvent sans mots. Nous avions une voix commune qui se posait ailleurs." Speechless Voices cherche à inventer un langage partagé pour emplir l'espace, entrer dans le corps des spectateurs, se connecter à l'autre.
Vendredi, avril 13, 2018 - 8:00pm | ven 13.04 | 20h00 | |
Samedi, avril 14, 2018 - 5:00pm | sam 14.04 | 17h00 | |
Dimanche, avril 15, 2018 - 4:00pm | dim 15.04 | 16h00 |
Chorégraphe
Cindy Van Acker a d'abord été danseuse classique au Ballet Royal de Flandre puis danseuse néo-classique au Grand Théâtre de Genève, avant de plonger en clandestinité, pendant plusieurs années, pour explorer les potentialités du corps humain. Elle fonde la compagnie Greffe à Genève en 2002 et devient artiste associée à la direction de l'ADC-Genève chargée de la programmation en 2017. Son écriture minutieuse, qui allie mouvement minimaliste, lenteur, géométrisation de l'espace et musiques électroniques, se déploie sur un territoire singulier où corps, lumière, son, espace sont traitées comme des matières à fusionner.
Son parcours est marqué notamment par ses rencontres avec Myriam Gourfink, Mika Vainio, Victor Roy et Romeo Castellucci, avec lequel elle collabore régulièrement sur ses mises en scène d'opéra.
Récemment, elle a signé Anechoic, pièce pour 53 danseurs (2014) présenté à Vidy pour la Fête de la Danse 2017, le solo Ion créé à Vidy (2015) et la pièce de groupe Zaoum (2016). Son tout récent solo Knusa créé au cœur du projet photographique Insert Coins de Christian Lutz fait partie de la sélection suisse en Avignon 2018.
Musicien et compositeur
Mika Vainio (1963-2017) était un musicien et compositeur finnois basé à Oslo. Il a publié de nombreux enregistrements en solo et sous le nom de Pan Sonic, avec Ilpo Väisänen.
Au début des années 80, Mika Vainio jouait de l’électronique et de la batterie dans le cadre de la scène industrielle et électronique avant-gardiste finlandaise. Il créait des sons uniques aux fortes résonances physiques. Qu’il s’agisse de basses abstraites ou de techno minimale, ses oeuvres en solo sont connues pour leur ampleur analogique et leur âpreté électronique. Il a participé à de nombreuses collaborations avec, entre autres, Alan Vega, Haino Keji, Björk, John Duncan, Stephen O’Malley ou Merzbow ainsi qu’avec Cindy Van Acker sur les créations de Kernel, Lanx, Nixe, Obtus et Diffraction.
Chorégraphie:
Cindy Van Acker
Scénographie:
Victor Roy
Musique:
Mika Vainio
J. S. Bach
Son:
Samuel Pajand
Lumières:
Victor Roy
Cindy Van Acker
Collaboratrice artistique:
Michèle Pralong
Costumes et bijoux:
Marie Artamonoff
Peinture:
Eric Vuille
Image tableau:
Christian Lutz
Régisseur lumière:
Gautier Teuscher
Administration:
Cindy Janiaud
Diffusion:
Tutu Production
Avec:
Stéphanie Bayle
Matthieu Charigues
Laure Lescoffy
Raphaëlle Teicher
Rudi van der Merwe
Daniela Zaghini
Production:
Cie Greffe
Coproduction:
Steps, Festival de danse Pour-cent culturel Migros - Expedition Suisse (Kaserne Basel, Dampfzentrale Bern, Theater Chur, Gessnerallee Zürich, Théâtre Vidy-Lausanne) - Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape, direction Yuval PICK, dans le cadre du dispositif Accueil-Studio avec le soutien du Théâtre des Îlets, centre dramatique national de Montluçon, région Auvergne-Rhône-Alpes
Soutiens:
Loterie Romande - Société Suisse des Auteurs - Fondation du Jubilé - Stanley Thomas Johnson Foundation - Sophie und Karl Binding Stifung
La compagnie bénéficie d'une convention de soutien conjoint de la Ville de Genève, du Canton de Genève et de Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture pour la période 2009-2020
"Si l’avant-dernier solo de Cindy Van Acker, Ion, a failli s’appeler strijd, la lutte en flamand, toutes ses pièces pourraient porter ce titre. Et Speechless Voices serait alors un strijd pour Mika."
Peut-être faut-il évoquer les inspirations artistiques qu’a fréquenté Cindy Van Acker pour ces dernières créations: Nietzsche, Nijinski, Nono, Chlebnikov, de Bruyckere, Lutz. Tous, philosophe, danseur, écrivain, compositeur, plasticienne, photographe, ont foi en la puissance politique que peut porter un acte esthétique. Chacun travaille une manière de jeter son corps dans la bataille. Si l’avant-dernier solo de Cindy Van Acker, Ion, a failli s’appeler strijd, la lutte en flamand, toutes ses pièces pourraient porter ce titre. Et Speechless Voices serait alors un strijd pour Mika.
Mika Vainio: compositeur de musique électronique finlandais qui a collaboré de nombreuses fois avec Cindy Van Acker, mort accidentellement en avril 2017. Cette disparition a laissé un trou dans le corps de la chorégraphe (And the Hole in my body will be black / like a Tuft of Horsehair, dit un danseur). La pièce qu’elle prévoyait de créer avec lui est devenue salut à l’ami, plongée au noir, appel à consolation. Un poème chorégraphique monté de manière picturale, pour six danseurs, avec la musique du disparu. "Nous avions une communication intuitive, intense, souvent sans mots. Nous avions une voix commune qui se posait ailleurs." Speechless Voices cherche à inventer par la danse un langage partagé pour emplir l’espace, traverser le corps des spectateurs, se connecter à l’autre.
En entrant dans cette nouvelle pièce de groupe, la chorégraphe rencontre un autre résistant: Pier Paolo Pasolini. Elle trouve d’abord la phrase sidérale de son personnage Accatone au moment où il chute de sa moto et meurt sur un trottoir de la banlieue romaine: "Sto bene." "Je suis bien." Ce qui permet à la chorégraphe d’entrer dans un rapport à la mort qui n’est pas seulement d’affliction. Et elle trouve aussi la Médée du poète italien: une figure barbare, intraitable, peinte comme une luciole en éternelle survivance. Qui va lui donner la puissance des rituels recherchés.
Si le mouvement est ici conçu de l’intérieur des sons électroniques de Mika Vainio, il est aussi installé dans une dépendance affichée à la peinture: celle de l’artiste belge Michaël Borremans. Speechless Voices inscrit les danseurs dans une réalité narrative nouvelle. Les qualités habituelles du mouvement de Cindy Van Acker lenteur, géométrie et abstraction — se laissent colorer par du figural, des images lisibles, des stases expressives. Une communauté humaine est entrée dans le tableau, qui cherche par le corps à ritualiser l’absence et la présence, la solitude et la relation, afin de les transmuter. Les déploiements machiniques, végétaux ou animaux qui vitalisent la plupart des pièces de la chorégraphe belge rencontrent ainsi des énergies plus clairement anthropocentrées. Produisant une danse et des danseurs qui viennent mettre en mouvement d’énigmatiques sarabandes comme tirées hors des toiles du peintre.
"Et désormais, peut-être qu’il n’a d’autre choix
que de donner à sa soif anxieuse de justice
la force de ton bonheur, et à la lumière d’un temps qui commence
la lumière de celui qui est ce qu’il ne sait pas."
La genèse Improvviso il mille novecento
cinquanta due passa sull'Italia:
solo il popolo ne ha un sentimento
vero: mai tolto al tempo, non l'abbaglia
la modernità, benché sempre il più
moderno sia esso, il popolo, spanto
in borghi, in rioni, con gioventù
sempre nuove - nuove al vecchio canto -
a ripetere ingenuo quello che fu.
Scotta il primo sole dolce dell'anno
sopra i portici delle cittadine
di provincia, sui paesi che sanno
ancora di nevi, sulle appenniniche
greggi: nelle vetrine dei capoluoghi
i nuovi colori delle tele, i nuovi
vestiti come in limpidi roghi
dicono quanto oggi si rinnovi
il mondo, che diverse gioie sfoghi...
Ah, noi che viviamo in una sola
generazione ogni generazione
vissuta qui, in queste terre ora
umiliate, non abbiamo nozione
vera di chi è partecipe alla storia
solo per orale, magica esperienza;
e vive puro, non oltre la memoria
della generazione in cui presenza
della vita è la sua vita perentoria.
Nella vita che è vita perché assunta
nella nostra ragione e costruita
per il nostro passaggio - e ora giunta
a essere altra, oltre il nostro accanito
difenderla - aspetta - cantando supino,
accampato nei nostri quartieri
a lui sconosciuti, e pronto fino
dalle più fresche e inanimate ère -
il popolo : muta in lui l'uomo il destino.
E se ci rivolgiamo a quel passato
ch'è nostro privilegio, altre fiumane
di popolo ecco cantare: recuperato
è il nostro moto fin dalle cristiane
origini, ma resta indietro, immobile,
quel canto. Si ripete uguale.
Nelle sere non più torce ma globi
di luce, e la periferia non pare
altra, non altri i ragazzi nuovi...
Tra gli orti cupi, al pigro solicello
Adalbertos komis kurtis!, i ragazzini
d'Ivrea gridano, e pei valloncelli
di Toscana, con strilli di rondinini:
Hor atorno fratt Helya! La santa
violenza sui rozzi cuori il clero
calca, rozzo, e li asserva a un'infanzia
feroce nel feudo provinciale l'Impero
da Iddio imposto: e il popolo canta.
Un grande concerto di scalpelli
sul Campidoglio, sul nuovo Appennino,
sui Comuni sbiancati dalle Alpi,
suona, giganteggiando il travertino
nel nuovo spazio in cui s'affranca
l'Uomo: e il manovale Dov'anda stà
jersera... ripete con l'anima spanta
nel suo gotico mondo. Il mondo schiavitù
resta nel popolo. E il popolo canta.
Apprende il borghese nascente lo Ça ira,
e trepidi nel vento napoleonico,
all'Inno dell'Albero della Libertà,
tremano i nuovi colori delle nazioni.
Ma, cane affamato, difende il bracciante
i suoi padroni, ne canta la ferocia,
Guagliune 'e mala vita ! in branchi
feroci. La libertà non ha voce per il popolo cane. E il popolo canta.
Ragazzo del popolo che canti,
qui a Rebibbia sulla misera riva
dell'Aniene la nuova canzonetta, vanti
è vero, cantando, l'antica, la festiva
leggerezza dei semplici. Ma quale
dura certezza tu sollevi insieme
d'imminente riscossa, in mezzo a ignari
tuguri e grattacieli, allegro seme
in cuore al triste mondo popolare.
Nella tua incoscienza è la coscienza
che in te la storia vuole, questa storia
il cui Uomo non ha più che la violenza
delle memorie, non la libera memoria...
E ormai, forse, altra scelta non ha
che dare alla sua ansia di giustizia
la forza della tua felicità,
e alla luce di un tempo che inizia
la luce di chi è ciò che non sa.
Soudain, l’année mille neuf cent
cinquante-deux passe sur l’Italie:
Seul le peuple en a un sentiment
Véritable: jamais arraché au temps, il n’est pas ébloui
par la modernité, bien que toujours ce soit lui
le plus moderne, le peuple, éparpillé
dans des bidonvilles, des quartiers, avec des jeunes gens
toujours nouveaux – nouveaux pour le vieux chant –
pour répéter avec innocence ce qui fut.
Il brûle, le premier doux soleil de l’année
sur les portiques des petites villes
de province, sur les villages qui ont encore
un goût de neige, sur les troupeaux
des Apennins: dans les vitrines des chefs-lieux
les nouvelles couleurs des toiles, les nouveaux
vêtements, comme dans des brasiers limpides
disent combien aujourd’hui se renouvelle
le monde, combien il explose de joies nouvelles…
Ah, nous qui vivons en une seule
génération chaque génération
qui a vécu ici, dans ces terres maintenant
humiliées, nous n’avons pas une notion
vraie de ceux qui ne participent à l’histoire
que par la parole orale, expérience magique;
et qui vivent purs, pas au-delà de la mémoire
de la génération dans laquelle la présence
de la vie s’impose impérativement.
Dans la vie qui est vie parce que engagée
dans notre raison et construite
pour notre passage – et maintenant arrivée
à être différente, au-delà de notre acharnement
à la défendre – le peuple – en chantant passivement
installé dans nos quartiers
qu’il ne connaît pas, et prêt dès
les ères les plus fraîches et les plus inanimées –
attend: son destin en lui transforme l’homme.
Et si nous nous retournons vers ce passé
qui est notre privilège, d’autres mutitudes
de peuple se mettent à chanter: notre mouvement
est récupéré dès les origines
chrétiennes, mais il reste en arrière, immobile,
ce chant. Il se répète fidèle à lui-même.
Le soir, plus de torches mais des globes
de lumière, et la périphérie ne semble pas
différente, et les garçons ne semblent pas différents.
Entre les jardins sombres, au petit soleil paresseux
Adalbertos komis kurtis!, les petits garçons
d’Ivrée crient, et dans les vallons
de Toscane, avec des cris de jeunes hirondelles:
Hor atorno fratt Helya! Le clergé fruste
imprime la sainte violence dans leurs coeurs frustes
et il les asservit dans une enfance
féroce dans son fief provincial l’Empire
imposé par Dieu: et le peuple chante.
Un grand concert de burins
sur le Capitole, sur le nouvel Apennin,
sur les Communes blanchies des Alpes,
résonne, rendant gigantesque le travertin
dans le nouvel espace où s’affranchit
l’Homme: et le manoeuvre répète
Dov’anda stà jersera …, avec son âme éparpillée
dans son monde gothique. Le monde de l’esclavage
reste dans le peuple. Et le peuple chante.
Le bourgeois qui naît apprend le Ça ira
et agitées dans le vent napoléonien,
à l’Hymne de l’Arbre de la Liberté,
tremblent les nouvelles couleurs des nations.
Mais, chien affamé, le journalier défend
ses maîtres, il en chante la férocité,
Guagliune ‘e malavita! en troupeaux
féroces. La liberté n’a pas de voix
pour le peuple chien. Et le peuple chante.
Enfant du peuple, toi qui chantes,
ici à Rebibbia sur la rive misérable
de l’Aniene ta nouvelle chansonnette, tu exaltes
c’est vrai, en chantant, l’ancienne, la joyeuse
légèreté des simples. Mais comme une
dure certitude tu soulèves en même temps
une imminente révolte, au milieu de taudis
et de gratte-ciels ignorants, graine de joie
dans le coeur du triste monde populaire.
Dans ton inconscience est la conscience
que l’Histoire veut en toi, cette histoire
dont l’Homme n’a plus que la violence
des souvenirs, et non une mémoire libre…
Et désormais, peut-être qu’il n’a d’autre choix
que de donner à sa soif anxieuse de justice
la force de ton bonheur,
et à la lumière d’un temps qui commence
la lumière de celui qui est ce qu’il ne sait pas.
Introduction au spectacle
Vendredi 13.04, 19h